
Grand sourire à l'arrivée au ponton après 3 jours et 20 heures de régate intense entre la France, l'Angleterre et l'Irlande. Sam (à gauche) et moi franchissons la ligne d'arrivée du Mini Fastnet en 2e position, mon meilleur résultat sur le 905 jusqu'à présent ! Une montée musclée vers l'Irlande


Au taquet dès la bouée de dégagement, peu après le départ
Jamais une flotte de minis n'est montée si vite en Irlande. Après un départ (où comme d'habitude le 905 n'a pas vraiment fait parler de lui) nous envoyons très vite notre plus grande voile (le grand spi) malgré les 20 noeuds de vent qui soufflent des trois quart arrière. Avec les 60 litres d'eau embarqués et 2 bonhommes de 90kg entassés dans le coin arrière du bateau, le bateau file en permanence à 12-14 noeuds avec des surfs endiablés encore plus rapides. A ce rythme effréné nous rattrapons la tête de flotte et naviguons bord à bord avec les premiers bateaux pendant toute la traversée de la Manche. Des soucis de safrans à répétition Sur ce bord nous sollicitons énormément le matériel car nous naviguons sur-toilés dans une mer formée. Dans une sortie de route, nous tordons l'extrémité d'une des deux barres de liaison entre la barre et les safrans (les 2 pelles qui tournent dans l'eau pour diriger le bateau). La tige est tordue à 30 degrés et menace de se casser à chaque mouvement de barre : il faut faire quelque chose, et rapidement! Nous affalons le spi et nous lançons dans une réparation. Je décroche la barre du safran et dévisse la pièce. J'arrive à la caler dans le trou d'un winch du cockpit pour la couper à l'endroit où elle s'est pliée. Pour ce faire je n'ai qu'une lame de scie à métaux à bord (sans manche, naturellement, poids oblige!) mais bien énervé j'arrive à bout de la tige de 8mm. J'arrive à la revisser dans la barre de liaison et reconnecter le tout au safran. Ouf! La barre de liaison touchée est moins longue qu'avant et les safrans ne sont donc plus parallèles mais au moins on peut diriger le bateau et repartir...

Au dessus la pièce dans son état normal et en dessous la même pièce que j'ai dû scier en mer.


Avant / Après
(Photos prises au port à l'arrivée, il faisait beaucoup moins beau en mer et la mer était beaucoup moins plate!)
Naturellement les autres bateaux ne nous attendent pas et malgré une intervention en temps record (environ 5 minutes) nous laissons passer 3 bateaux pendant l'opération. Le vent est monté un peu plus et nous décidons d'envoyer notre spi medium (~60m2) à la place du Grand Spi (~80m2) pour continuer notre route. Nous le garderons en l'air jusqu'à la pointe de Land's End, en Angleterre que nous atteindrons le soir même, après une traversée à plus de 12 noeuds de moyenne.

Le spi "medium" n'est pas non plus un spi "small" : dans 20-25 noeuds, cela pousse trèèès fort!
Cela reste bien "poney" malgré le spi plus petit. Nous cassons 2 autres vis du système de safrans avant d'atteindre l'Angleterre. Ces réparations me coûtent beaucoup d'énergie et me rendent malade par la même occasion : je vomis plusieurs fois. Au moins, l''avantage dans ce type de conditions c'est qu'on peut vomir directement dans le cockpit sans se pencher au-dessus de l'eau car le bateau passe au travers des vagues, qui font chasse d'eau toute les quelques secondes. Pratique, n'est-ce-pas? Malgré nos soucis techniques nous atteignons la pointe d'Angleterre en 4eme position, dans un groupe de bateaux que je connais bien puisque nous nous entraînons tous ensemble à Lorient le reste du temps : 943, 947, 944 et 902, tous des Pogo3 comme nous.

En passant entre le phare de Longship et la côte (à plus de 10 noeuds de nuit entre 2 têtes de roche non-balisées et distantes de seulement 500m : un peu "chaud") nous creusons un peu plus notre avance sur les poursuivants. A gauche en rouge, une zone de passage de cargos interdite à la navigation à voile.
Passage à niveau au Fastnet S'en suit un long bord de travers de 100 milles sous Grand-Voile et Foc jusqu'en Irlande, toujours dans un vent soutenu avec des rafales jusqu'à 30 noeuds pendant le passage d'un front. Cette montée en Irlande ne nous aura donc pas épargnés! Sur ce tronçon de parcours nous pouvons rentrer à l'intérieur et dormir protégés des embruns pour la première fois depuis le départ - car jusqu'en Angleterre nous étions blottis dans le coin arrière pour empêcher le bateau d'enfourner dans les vagues. Enfin du repos pour Sam et moi! Nos siestes nous paraissent des nuits de sommeil. Arrivés en Irlande, nous tirons des bords au ras de la côte pour nous abriter du courant qui nous fait face pour aller vers le Fastnet. Je me répète chaque année en me promettant d'aller faire un voyage là-bas. La côte est tout simplement magnifique! Une grosse douzaine de virements plus tard et nous passons le phare du Fastnet qui marque la mi-parcours et le retour à la maison. Nous sommes toujours en 4eme position et pris par la course j'en oublie de boire la bière embarquée pour l'occasion!


Le Fastnet est un mythique rocher-phare marquant la pointe sud de l'Irlande. A chaque passage (mon sixième depuis 2013) je me prends pour Tintin! La ressemblance est frappante non?
Notre groupe de 5 (en vert ci-dessous) s'en sort bien car tout un groupe de bateaux (en rouge) se retrouve piégé dans une bulle sans vent et tout un troisième groupe (en blanc) est bloqué par le courant au phare du Fastnet.

Pas de chance pour nous poursuivants bloqués par le courant et le vent. Dans le jargon on dit dans ces cas là que "ca part par devant" . Et quand on est devant, c'est tant mieux!
Une option Est payante au retour Quatre des 5 bateaux de tête, dont nous, se retrouvent ralentis sous un grand nuage sans vent. Le 943 échappe au nuage et continue vers l'arrivée sans s'arrêter. On ne les reverra jamais plus! Il va donc falloir se battre pour les places de 2 à 5 avec les bateaux qui nous entourent depuis l'Angleterre. Le vent re-rentre au secteur Nord-Ouest et nous devons tirer des bords de portant soit vers le Sud, soit vers l'Est pour rejoindre Douarnenez, au Sud-Est car nos bateaux n'avancent pas vent arrière. Il faut choisir le bon côté et ce n'est pas une mince affaire... Avec Sam nous optons pour l'Est. car en demandant les dernières prévisions météo aux gardes cotes irlandais et anglais, on apprend qu'une bascule du Nord-Ouest vers l'Ouest va avoir lieu dans les prochaines 24 heures. En nous décalant à gauche nous serions du bon côté de la bascule. Le 944 file vers le Sud, probablement car c'est là que nous emmenaient les routages théoriques effectués avant le départ. En position de leader, le 947 nous accompagne au début à l'Est puis choisit une option intermédiaire en empannant vers le Sud avant nous, surement pour limiter les risques liés à un trop grand décalage latéral. Nous poussons dans l'Est 2 heures de plus que le 947 et empannons finalement comme lui vers le Sud. Pendant les heures qui suivent nous n'avons aucune nouvelle de nos concurrents et ne savons pas si notre option paie ou si elle s'avère être un désastre. Quel stress ! Nous envisageons même le pire : est ce que tout la flotte va nous faire l'intérieur?

Petit moment de solitude lorsque nous nous retrouvons décalés tout à l'Est, hors de portée de nos adversaires directs pendant quelques heures.
Match-race jusqu'à l'arrivée pour la deuxième place En approche des côtes bretonnes, nous captons enfin des concurrents à l'AIS (radar courte portée), et vu comme nos routes convergent ça se présente plutôt bien pour nous! Les 944 et 947 croisent finalement notre sillage respectivement 3 milles et 5 milles derrière nous. Grâce à notre option nous passons donc de la 4eme à la 2eme place!

Et ça passe! Nous croisons finalement en deuxième position, devant les 944 et 947, qui nous précédaient tous les deux depuis le Fastnet
Une fois le but marqué, il faut défendre! Pour ce faire, nous "marquons" le 944 en nous plaçant toujours entre la ligne d'arrivée et eux. Le but est qu'ils ne puissent nous doubler qu'en allant plus vite que nous, et non via une trajectoire différente. Pendant les 12 heures suivantes et jusqu'à l'arrivée, nous guettons le moindre changement dans leur trajectoire et comparons systématiquement leur vitesse rapportée par l'AIS et la nôtre. Leur distance à notre bateau, mise à jour toutes les 30 secondes, devient notre seule obsession!

Pas très élégant mais rudement efficace : nous calquons nos empannages (trace bleue) sur ceux du 944 (en orange) afin de toujours rester entre lui et l'arrivée. Dans le jargon on appelle ça "marquer" un concurrent
Surprise en mer d'Iroise, nous nous retrouvons bloqués entre un bâtiment de la Marine Nationale, un chasseur de mines et l'ile d'Ouessant. Il nous appelle à la radio pour nous demander de passer 500 mètres derrière lui ce qui nous obligerait à affaler le spi et perdre des longueurs précieuses. Au terme d'une conversation diplomatique à fort enjeu pour nous, nous obtenons de lui qu'il ralentisse pour nous laisser passer. Merci à toi, chasseur de mines ! Nous arrivons ensuite en baie de Douarnenez, toujours avec une avance stable par rapport au 944. Nous croisons les doigts pour que la baie ne nous réserve aucune mauvaise surprise : d'expérience c'est là que se joue le classement final! Heureusement c'est le milieu de la nuit et aucune transition météo n'a lieu. Nous glissons donc tranquillement vers la ligne d'arrivée, que nous franchissons en 2e position avec 2 petits milles d'avance sur le 944.


Bière et replay de la course à l'arrivée au ponton
Merci Sam !

(Photo Simon Jourdan) Grand champion de son état, Sam ne boit pas d'alcool (alerte jeu de mots : comme tous les "Sam" d'ailleurs!). La bière, c'est juste pour la photo.
Je vous le disais avant le départ : Jimmy et moi étions très bien entourés pour l'occasion. Extrêmement expérimenté, fin barreur, infatigable régleur et véritable team player "so british" : le 905 n'aurait jamais aussi bien performé sans lui. Merci Sam, tu reviens quand tu veux!
Cap sur l'Espagne Prochaine course au programme : la Transgascogne (aller-retour de 500 milles en solitaire entre les Sables d'Olonne et Gijon en Espagne) dont le départ sera donné le 30 juillet prochain

Traditionnel barbecue offert par les vainqueurs des 2 classements. Bravo et merci à Axel / Thomas (vainqueurs protos) et Ambrogio / Alberto (vainqueurs séries)
(Parenthèse : Un dernier sursis pour les Pogo3) Derniers nés chez les bateaux "de série" : les Maxi 650 et les Vector 650 ont des nez tout ronds. Cela les rend plus stables à la gite et au tangage par rapport à nos bateaux en forme de pelle à tarte, eux même plus stables que les bateaux longiformes classiques. Dans du vent fort, ces nouveaux bateaux peuvent porter plus de toile et moins planter dans les vagues. C'est impressionnant d'efficacité!


A mon sens le plus dangereux des nouveaux "Séries" : le Maxi 650. En plus de trouver cela peu élégant, on a aussi envie de penser que leur nez rond pénètre moins bien l'eau mais détrompez vous : cela marche mieux que les nez pointus!
"Heureusement" pour nous ces nouveaux bateaux sont encore en phase de rodage. Sur cette course ils ont quasiment tous cassé leurs safrans et bout-dehors et ont été contraints d'abandonner (il faut dire que ce bord vers l'Angleterre était assez engagé). Bref, nos Pogo3 s'en sortent encore bien, mais il ne fait nul doute que ces nouveaux bateaux vont rapidement s'imposer en tête de nos classements de bateaux de série.
Classement Série (54 participants)
1) 943 - GEOMAG - Ambrogio Beccaria et Alberto Riva en 3d 18h 48m 10s 2) 905 - CHEMINANT URSUIT - Nicolas d'Estais et Sam Goodchild en 3d 20h 37m 1s 3) 944 - TYRION - Amélie Grassi et Davy Beaudart en 3d 20h 57m 57s 4) 947 - L'OCCITANE EN PROVENCE - Matthieu Vincent et Alessandro Torresani en 3d 21h 38m 1s 5) 902 - IMAGO INCUBATEUR D'AVENTURES - Benjamin Ferre et Kevin Bloch en 3d 22h 27m 10s (...)